Louise Condi

Doctorante contractuelle du Collegium Musicæ

J’ai la certitude que la complémentarité des disciplines est leur force, et que les problèmes rencontrés dans une discipline peuvent trouver leur solution dans une autre

Originaire de Mirecourt, la capitale de la lutherie française et joueuse de Nyckelharpa, Louise Condi a fait de ce type d’instrument à cordes sympathiques, un sujet d’étude pour son projet doctoral. Portrait.
 

Louise Condi, pouvez-vous nous retracer votre parcours ? 
J’ai initié mon parcours universitaire par une double licence intitulée « Sciences et Musicologie », qui consiste en une licence de Musique et Musicologie et une licence de Sciences et Technologie, réalisées simultanément à Sorbonne Université.
J’ai toujours été attirée à la fois par les domaines dits de « STM » (Sciences Technologie et Médecine) et ceux dits de « LSHS » (Lettres et Sciences Humaines Sociales). Je ne souhaitais pas choisir l’un ou l’autre, alors je ne l’ai pas fait : les deux m’intéressaient. Cette double licence était dense, mais extrêmement enrichissante, sur le plan scientifique mais aussi en matière d’apprentissage de méthodes de travail, d’organisation, et de gestion du temps. En troisième année de licence, j’ai bénéficié du programme Erasmus+, et suis partie étudier un an à l’Université de Stockholm. J’ai choisi ce pays car je joue, depuis mes 12 ans, un instrument de musique suédois qui s’appelle le nyckelharpa. Sur place, j’ai pu pratiquer cet instrument dans son contexte d’origine.

À mon retour, j’ai commencé un Master Recherche en Musicologie, dont le sujet consistait en une approche historique et ethnomusicologique du nyckelharpa. Durant ce master, j’ai collaboré avec le musée de la Musique de Paris (Cité de la Musique-Philharmonie de Paris). Dans le cadre d’un stage, pour réaliser une étude de cas, j’ai étudié pendant plusieurs mois l’unique nyckelharpa de la collection de ce musée. Au cours de mon master, j’ai identifié un sujet pertinent à approfondir : celui des instruments à cordes dites « sympathiques », dont le nyckelharpa fait partie. J’ai rencontré des spécialistes et des encadrants potentiels et ai commencé à rédiger un projet de thèse interdisciplinaire.

Alors que j’étais en train de finaliser mon master, on a porté à ma connaissance un appel à candidature pour un contrat doctoral de l’Institut Collegium Musicæ, qui réunit dix composantes de diverses disciplines qui ont pour objet commun la musique. J’ai présenté le projet de thèse, que j’élaborais depuis plusieurs années, ainsi qu’une équipe d’encadrement et des structures d’accueil, et j’ai eu le plaisir d’être retenue. 

Parlez-nous de votre sujet de thèse.
L’intitulé exact de mon sujet est : « L'instrumentarium à cordes sympathiques européen des XVIIe et XVIIIe siècles. Étude historique, esthétique et acoustique des instruments, de leurs pratiques et de leurs répertoires ». L’expression « cordes sympathiques » est utilisée pour désigner, sur les cordophones, des cordes qui ne sont jamais jouées directement mais qui, pourtant, vibrent. Ces cordes modifient le timbre et le temps de résonance de l’instrument de musique, engageant une signature esthétique atypique. Les instruments à cordes sympathiques sont présents à travers le monde entier. En Europe, où ils seraient apparus au XVIIe siècle, ce dispositif a inspiré facteurs, compositeurs et interprètes autour d'un instrumentarium riche : violes d'amour, barytons, nyckelharpas, hardingfele, vielle à roue, violons d'amour, trompettes marines, etc.

L’objectif de ma thèse est d’étudier l'influence des cordes sympathiques de ces instruments sur leurs répertoires respectifs au XVIIe et XVIIIe siècles. Pour ce faire, je réalise une analyse musicologique de pièces du répertoire. Je fais appel à une étude vibro-acoustique du phénomène de sympathie et mène une consultation matérielle des instruments de musique eux-mêmes. Le musée de la Musique de Paris abrite de nombreux instruments de mon corpus, c’est pourquoi il est associé à cette étude.

Cette thèse convoque donc les méthodes et les savoirs de la musicologie, de l'acoustique et des sciences du patrimoine, et c’est pourquoi elle est fondamentalement interdisciplinaire. Je crois profondément aux possibilités de compréhension inédites du monde que permettent l’interdisciplinarité, la pluridisciplinarité et la transdisciplinarité. J’ai la certitude que la complémentarité des disciplines est leur force, et que les problèmes rencontrés dans une discipline peuvent trouver leur solution dans une autre.

Vous collaborez avec 3 structures : l’Institut de Recherche en Musicologie (IReMus), l’équipe Conservation-Recherche du Musée de la Musique (Centre de Recherche sur la Conservation) et l’équipe Lutherie-Acoustique-Musique (LAM) de l'Institut Jean Le Rond d'Alembert. Comment travaillez-vous avec les différents « spécialistes » ?
Les deux co-directeurs (Achille Davy-Rigaux et Jean-Loïc Le Carrou) et les deux co-encadrants de ma thèse (Jean-Philippe Échard et Théodora Psychoyou), tout comme les trois structures d’accueil auxquelles ils sont attachés, sont très complémentaires. J’aime beaucoup cet environnement de travail atypique et sa pluralité, car chaque jour est différent. Mon intention est de partager mon temps équitablement entre les trois structures. Dans l’idéal, j’essaye d’être à un seul endroit par jour, mais ce n’est pas toujours possible. 

Les gens que je rencontre sont souvent étonnés de mon sujet et de sa structuration institutionnelle, car les thèses interdisciplinaires ne sont pas très répandues. Ils sont souvent curieux de l’articulation concrète des disciplines au sein de ma thèse. En fait, le plan de mon manuscrit est conçu pour répondre à une problématique unique, en convoquant au fil du discours les méthodes et savoirs de l’une ou l’autre des disciplines. Il n’existe pas vraiment de « modèle » qui fasse autorité en la matière sur lequel je pourrais m’appuyer. C’est intéressant car j’ai une certaine liberté, tout en étant parfois un peu vertigineux. Pour cette question comme pour d’autres, je consulte mes directeurs et encadrants et nous réfléchissons ensemble à des réponses. J’ai réalisé, dès le début de ma thèse, qu’il était important pour moi de faire régulièrement – tous les deux à trois mois - des réunions collégiales. Ces réunions me permettent de faire valider ou infirmer mes propositions par l’ensemble de mes directeurs et encadrants, et ainsi d’avancer pas à pas. 

Les thèses en musicologie sont souvent associées aux aspects techniques de la musique elle-même. C’est le cas de la mienne, car les cordes sympathiques ont une influence sur la sonorité des instruments, leur répertoire, ainsi que sur le geste musical. Mon sujet requiert également de prendre en compte la matérialité des instruments de musique en tant qu’objets. Dans la pratique, cela se traduit par des consultations d’œuvres, notamment dans les institutions muséales. Ces consultations sont constituées de prises de mesures, de notes et de photographies, qui seront intégrées dans mon manuscrit. En effet, pour répondre à la problématique de ma thèse, je réalise un inventaire de tous les instruments subsistants munis de cordes sympathiques et fabriqués en Europe au XVIIe et au XVIIIe siècles, et qui sont aujourd’hui conservés dans des collections publiques et privées. J’en ai pour l’instant identifié plusieurs centaines.

Où en êtes-vous dans votre projet doctoral ?
Je suis présentement dans une phase de rédaction de manuscrit. J’ai réuni assez de matière au cours des deux premières années pour commencer à rédiger. J’alterne cependant ce travail d’écriture avec des consultations de sources quand j’en ai besoin. J’ai aussi eu la chance d’encadrer un stagiaire, Yvan Giro, qui a travaillé sur une étude de cas de mon corpus : un modèle numérique d’un hardingfele, un violon norvégien à cordes sympathiques. Je participe régulièrement à des colloques et autres manifestations scientifiques, dans l’une ou l’autre des disciplines, et cela implique d’adapter mon discours. Ce défi est stimulant, car il me force à prendre encore davantage de recul, et à redécouvrir mon sujet à chaque fois. Par ailleurs j’ai plusieurs textes et articles sous presse, soumis ou en cours d’écriture.

Quel est votre projet professionnel après la thèse ? 
Après ma soutenance, je souhaite poursuivre mon activité dans le domaine de la recherche et de l’enseignement. J’affectionne beaucoup cet univers que j’ai choisi, qui est fait de rencontres, de stimulations intellectuelles multiples et dans lequel on ne s’ennuie jamais. Je trouve fascinant le processus de construction collective du savoir. Je suis heureuse de contribuer à cette dynamique à mon échelle et j’aimerais véritablement pouvoir continuer à le faire. 

Quelles sont, selon vous, les compétences que vous avez déjà développées au cours de cette thèse ?
Même si je n’ai jamais douté du fait que faire une thèse serait épanouissant intellectuellement, j’ai été surprise de découvrir à quel point. Au-delà d’une – assez prévisible – connaissance accrue de notre sujet et du champ scientifique dans lequel on s’est spécialisé, faire une thèse nous forme à de nombreuses autres compétences. Elle nous force à remettre notre approche et nos idées en question quotidiennement, à prendre du recul, à adopter un regard critique sur toute connaissance et méthode que l’on rencontre ou adopte, à adapter notre discours selon nos interlocuteurs. Elle nous permet aussi de rencontrer des spécialistes d’autres disciplines, de développer nos compétences en communication orale et écrite. Elle nous apprend la persévérance, nous enseigne à mener un projet sur le long terme et à surmonter les difficultés inhérentes à cette temporalité. 

Une thèse offre encore davantage d’opportunités enrichissantes : celles de s’impliquer dans la vie universitaire, d’organiser des évènements scientifiques, d’être élu ou élue dans les conseils de l’université pour représenter nos collègues, de comprendre en détail le fonctionnement interne d’une institution et d’y participer. Une thèse est également un temps privilégié pour se rendre à l’étranger, découvrir d’autres écoles de pensées et usages universitaires. Notre statut nous permet aussi de faire de la vulgarisation, ou encore de donner des cours à l’Université, ce que j’ai eu la chance de faire au département de Musique et Musicologie de Metz (Université de Lorraine), où j’ai pu enseigner ma spécialité.

J’ai eu la chance de participer à la formation des étudiantes et étudiants en étant responsable de trois cours magistraux, dont j’ai conçu le programme semestriel détaillé ainsi que le sujet d’examen terminal. C’était une très belle expérience de transmettre ce que j’ai moi-même appris au cours de ma formation et de mes recherches, et de faire découvrir des répertoires musicaux aux étudiantes et étudiants. La thèse est une expérience professionnelle unique, qui est difficile, si ce n’est impossible, à résumer en quelques lignes, tellement elle est simultanément polyvalente et spécialisée.

 

Crédit photo : Daniel Latif

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