Mehdi Khamassi

Mehdi Khamassi

Chercheur en robotique et sciences cognitives

La connaissance est un bien commun universel : en avoir ne prive pas les autres, et la transmettre ne dépossède pas celui qui en fait don.

À la frontière entre neurosciences et robotique, le chercheur, Mehdi Khamassi, a pour objectif de mieux comprendre nos capacités d’apprentissage et nos prises de décision. Portrait d’un scientifique à la croisée des savoirs et de l’esprit critique.

« On a tous un certain degré de dispersion, l’important, c’est de rendre cette dispersion féconde », affirme Mehdi Khamassi. Un pied dans les neurosciences, l’autre dans la robotique, le chercheur a depuis toujours aimé naviguer entre deux rives. Fils d’une mère médecin et d’un père informaticien, tous les deux un peu artistes, cet ingénieur de formation, passionné de musique, s’est d’abord lancé dans un parcours classique : maths-sup / maths-spé, puis école d’ingénieur. À l’ENSIIE, l’école nationale supérieure d'informatique pour l'industrie et l'entreprise, il apprend la modélisation statistique, s’initie à la robotique, à l’intelligence artificielle (IA) et découvre les sciences cognitives. Un déclic. « J’ai compris que mon intérêt premier pour l’IA n’était finalement qu’une étape vers la cognition humaine et tous les sujets interdisciplinaires qui se posent dans ce domaine », explique le chercheur. 

Un chercheur bicéphale

En 2002, il s’inscrit au DEA de sciences cognitives1 dont il est désormais le co-directeur des études. « Une année passionnante avec des cours d'initiation à la psychologie cognitive chez l'enfant, à la cognition comparée, à la philosophie, à la linguistique, à l’anthropologie, aux neurosciences, etc. » C’est là qu’il commence à travailler sur ce qui deviendra sa thématique de recherche : les mécanismes d’apprentissage pour l’adaptation de la prise de décision. Il poursuit en thèse, en cotutelle entre le laboratoire d’informatique de Paris 6 (Lip6) et le laboratoire de physiologie de la perception et de l'action au Collège de France. « En doctorat, je faisais à la fois des neurosciences et des modèles mathématiques pour essayer de comprendre quels mécanismes d'apprentissage se produisent dans le cerveau lorsque nous apprenons à agir dans un environnement donné de façon à obtenir une récompense. Et puis, j’ai commencé à tester ces modèles sur des robots », raconte-t-il.
 
Après quelques mois comme chercheur invité au Japon, puis un post-doctorat à l’INSERM à Lyon où il poursuit ses recherches à l’interface entre la robotique et la neurophysiologie, il obtient à 30 ans un poste de chercheur au CNRS. En 2010, il revient à son port d’attache : l’Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique (ISIR). « Quand j’étais en thèse, indique-t-il, j’ai connu la création de ce laboratoire en partie issu du Lip6 et du laboratoire de robotique de Paris. Plusieurs de mes collègues de l’époque sont aujourd’hui mes voisins de bureau. J’apprécie l’émulation intellectuelle et l'interdisciplinarité qu’il y a dans ce laboratoire. Nous jouons collectif. Nous échangeons beaucoup, chacun avec notre spécialité. Nous développons ensemble de nouveaux projets, de nouvelles idées ou de nouveau modèles, sans esprit de compétition ni individualisme. »

Cette richesse qu’il a trouvée au sein de l’ISIR ne l’a pas empêché de développer d’autres collaborations à l’international. Après un an au Center for Mind/Brain Sciences de Trento en Italie, puis trois ans au département de psychologie expérimentale de l'Université d’Oxford, il est depuis six ans chercheur invité au laboratoire de robotique de l'École polytechnique d'Athènes. Des expériences fécondes qui lui ont permis de s’ouvrir à de nouvelles approches pour ses recherches, et notamment à la dimension sociale de nos interactions avec le monde.

L’erreur est humaine, mais aussi robotique

En collaboration avec des roboticiens, des informaticiens, des neuroscientifiques, des psychologues, Mehdi Khamassi cherche à mieux comprendre comment nous prenons des décisions et comment nous apprenons sur la base des conséquences de nos actions. « Même si je travaille sur la prise de décision, je n'ai jamais eu envie de choisir entre neurosciences et robotique, sourit-il. Les sciences cognitives sont au carrefour de toutes les approches qui peuvent contribuer, chacune avec son langage, ses outils et ses méthodes, à la grande question du fonctionnement de l'esprit humain ».

Au cœur de son approche scientifique, le mariage qu’il opère entre neurosciences et robotique est, pour lui, « une contribution complémentaire à ce que font les spécialistes des deux disciplines ». Pour comprendre comment fonctionnent les mécanismes de prise de décision dans le cerveau, il observe, fait des hypothèses qu’il teste en définissant, avec des neuroscientifiques, des protocoles expérimentaux. Puis à partir de l’analyse des données de ces expériences, il construit des modèles computationnels qu’il intègre dans des robots sous forme d’algorithmes. « Nous faisons prendre au robot des décisions dans des situations similaires à celles que nous avons testées chez l’animal. Puis nous observons s’il se comporte de la même façon. La plupart du temps ce n’est pas le cas et nous devons changer le modèle, l’améliorer pour lui faire prendre en compte de nouveaux aspects que nous n’avions pas envisagés avant l’expérience sur le robot. Le nouveau modèle ainsi conçu nous permet de générer de nouvelles hypothèses pour les neurosciences ». Pour Mehdi Khamassi, le robot n’est pas une fin en soi, mais un outil permettant de mieux comprendre la cognition humaine. C’est pourquoi il n’a de cesse de chercher dans la machine non pas la perfection, mais l’hésitation, l’erreur et la façon dont elle apprend à les corriger de façon autonome.

On devrait toutes et tous posséder un socle de connaissances permettant de mieux comprendre comment nos sociétés peuvent dériver vers des systèmes totalitaires, de la radicalisation et de l'incompréhension mutuelle.

Mehdi Khamassi

Depuis quelques années, le chercheur s’intéresse également à la prise de décision dans le cadre de l'interaction sociale à travers des collaborations avec des psychologues. Comment nous adaptons-nous lorsque nous avons quelqu’un en face de nous ? Actionnons-nous, dans le cadre social ou non social, les mêmes mécanismes pour nos décisions ? etc. Autant d’éléments de psychologie humaine qu’il essaie de comprendre pour favoriser, in fine, le vivre-ensemble.
 

De la démarche scientifique à l’esprit critique 

Et pour mener à bien cette mission, l’autre cheval de bataille de Mehdi Khamassi est de développer l’éducation à l’esprit critique des jeunes et du grand public. Mieux connaître le fonctionnement de notre cerveau, comprendre les illusions de perception auxquelles nous sommes confrontés, les biais qui influencent nos décisions, notre comportement, comme la conformité ou la soumission à l'autorité, etc. « On devrait toutes et tous posséder un socle de connaissances permettant de mieux comprendre comment nos sociétés peuvent dériver vers des systèmes totalitaires, de la radicalisation et de l'incompréhension mutuelle », affirme-t-il. En 2014, convaincu de l’importance de traiter de ces questions à l’université, il rejoint la coordination de l’atelier de recherche encadrée « Démarche scientifique et esprit critique » mis en place par le physicien Frédéric Decremps. Au programme de ce cours ouvert aux étudiants et étudiantes de la faculté des Sciences et Ingénierie : initiation à l’histoire des sciences, aux enjeux de la construction de la connaissance scientifique, à l’épistémologie, à la psychologie sociale, aux neurosciences cognitives, aux questions éthiques… « Il s’agit de donner aux étudiants des outils pour devenir des citoyens plus libres, plus critiques et plus autocritiques. Nous abordons, à travers des projets de recherche encadrés, des sujets comme la voiture autonome, la révolution copernicienne, les relations entre la science et la guerre, le neuromarketing, etc. », explique-t-il. 

Cette démarche critique, Mehdi Khamassi l’intègre aux cours qu’il donne dans différentes universités, mais aussi dans les recherches qu’il porte. Il collabore actuellement à un projet avec la Haute autorité de santé et l'Institut du Cerveau sur l'esprit critique dans la prise de décision en contexte médical. Il s’agit de mieux informer les médecins sur les biais cognitifs qu’ils peuvent rencontrer et dont ils peuvent être sujets. Il participe, par ailleurs, au groupe de travail sur l’esprit critique du conseil scientifique du ministère de l’Éducation nationale. 

Depuis deux ans, le chercheur est également conseiller scientifique du projet « Technologies émergentes et sagesse collective » porté par le philosophe Daniel Andler à l’Académie des sciences morales et politiques. « Je suis en charge du groupe de travail robotique et intelligence artificielle. Nous abordons les questions éthiques que soulève le développement des nouvelles technologies et essayons d’anticiper dans quelles directions elles évoluent. Nous traitons également des sciences cognitives appliquées qui ont un impact direct sur la société, comme les phénomènes de captation de l’attention par les interfaces numériques ou les médias sociaux ». Insatiable curieux, Mehdi Khamassi voit dans la connaissance un bien commun universel. « En avoir ne prive pas les autres, et la transmettre ne dépossède pas celui qui en fait don, contrairement à l’argent », aime-t-il dire. Ses recherches contribueront sûrement à découvrir de nouveaux éléments sur notre fonctionnement cognitif et nos interactions au service d’une société plus libre, plus ouverte et plus empathique.
 

1 sous la tutelle de l’École normale supérieure, de l’École polytechnique, de l’École des hautes études en sciences sociales et de l’Université Pierre et Marie Curie. Aujourd’hui ce diplôme est le Cogmaster.

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